1914-1918 les mobilisés thalois dans les tourmentes et tourments...

L'année 1914 est une année de désordre météorologique exceptionnel.
Elle débute avec un hiver particulièrement rigoureux. La neige n'est pas abondante, mais le record de froid de -50° au sud de la Norvège est ressenti, non seulement chez nous, mais jusqu'en Afrique du Nord. Toute la France grelotte et voit ses cours d'eau geler : on enregistre des températures de près de -20° dans l'Hérault et  de -10° à Toulouse. Les  hausses de températures en février mars provoquent de fortes tempêtes et des inondations. Le mois d'avril est plus clément. De mai à fin août, les températures restent en-dessous de la moyenne saisonnière. L'Alsace est un peu préservée de ces perturbations.
Après l'attentat de Sarajevo du 28 juin, l'Autriche envisage une intervention militaire en Serbie que l'empereur Guillaume II approuve pour "donner une leçon à la Serbie". Toutefois cette intervention dans les Balkans se complique par suite des alliances entre pays européens. La France, depuis l'alliance franco-russe de 1892, avec son esprit revanchard y voit une occasion pour récupérer l'Alsace et la Lorraine perdues depuis1871. Elle  a une grande part de responsabilité dans le déclenchement du conflit. Guillaume II veut éviter à tout prix une guerre généralisée où l'Allemagne aurait à se battre sur deux fronts. L'enchaînement des évènements l'oblige à commencer les hostilités ; cette intervention, qui aurait pu se limiter à un conflit austro-serbe va, en raison des différentes alliances, conduire à un conflit européen.
Lorsque la mobilisation est décrétée le 02 août, Thal est en ébullition toute la nuit puisque les classes de réserves (Landwehr) sont rappelées, c'est à dire les hommes jusqu'à 45 ans.
Les alsaciens-lorrains qui se trouvent en France doivent s'engager dans l'armée française, alors que ceux du village endossent l'uniforme allemand.
A l'unanimité, toutes les parties pensent que cette guerre sera courte ; les allemands sont persuadés que les mobilisés rentreront pour Noël. Les français, plus optimistes, croyaient d'abord qu'ils rentreraient déjà pour les vendanges, mais suite aux revers en Alsace, Lorraine et l'invasion du Nord depuis la Belgique, ils perdent leurs illusions.
A l'époque les régiments tant français qu'allemands étaient des régiments régionaux. Seul l’engagé, qui choisit son arme, se retrouve isolé dans un autre régiment que l'appelé.
En août, l’organisation de tous les services n’est pas encore en place ; deux vaches sont achetées au village par l'intendance militaire. Abattues, leurs carcasses sont acheminées vers le front.
Les premiers blessés allemands (bataille de Sarrebourg ?) évacués sur Strasbourg arrivent à Thal où des voitures tapissées de paille sont réquisitionnées avec conducteurs et attelages. Elles partent à la nuit tombée et effectuent le transfert jusqu'à Willgotheim.
Octobre apporte la mauvaise nouvelle des premiers tués de Thal : Séraphin Oberlé le 1eroctobre et Joseph Volkringer le 5 octobre (actuel 15, rue Ballerich) ; au 1er novembre, on compte 5 blessés.
Le rêve d'une guerre courte est balayé par la dure réalité qui dépassera bientôt les prévisions les plus pessimistes. Au lieu de quelques mois, cette guerre durera 4 ans et sera la plus monstrueuse boucherie que le monde ait connu.
Les classes nées entre 1872 et 1900 inclus seront mobilisées. L'état civil ne permet pas de chiffrer leur nombre exact car on ne peut y repérer les exemptés, ni les personnes n'habitant plus la commune. Certains sont allés travailler en France et beaucoup d'autres se sont  expatriés en Algérie, en Afrique du Sud ou aux Etats-Unis d'Amérique. La classe 1920 (ceux nés en 1900) est appelée en juin-juillet 1918 ; ces mobilisés n'ont pas, ou à peine, 18 ans.
Alors que tous ces bras sont absents pour les travaux habituels et saisonniers, les femmes, enfants et hommes restés à Thal sont confrontés aux réalités de la guerre avec les contrôles, déclarations et rationnements. Ils ne souffrent pas de la faim comme dans les grandes agglomérations où le pic est atteint en 1917.
La situation est si préoccupante que les autorités créent, comme dans tous les villages, un centre de collecte où il faut livrer le moût de distillation. Celui-ci est acheminé dans des usines pour en faire de la marmelade en y ajoutant des succédanés de sucre.
Les soldats envoient le plus souvent possible, des cartes à contenu anodin à cause de la censure ; lorsqu’ils se plaignent, ce n’est que pour de petites contrariétés quotidiennes. Souvent ils terminent leur courrier par l'inscription portée sur leur boucle de ceinturon d'uniforme : "Gott mit uns" (Dieu avec nous) ... Ils font silence sur les épreuves inhumaines endurées.
Les premiers à rentrer, peut-être permissionnaires ou convalescents, arrivent le 09.11.1918, soit avant l’armistice. Le retour des hommes au village s’étale principalement jusqu'à fin novembre ; certains ne rentreront qu'aux alentours de Noël et le dernier le 11 janvier 1919.
Les survivants qui reviennent estropiés, mutilés ou "saufs"  sont marqués à vie. Pratiquement aucun  ne fait de confidences sur le vécu au front à son entourage ; le traumatisme est trop lourd.
Des photos avec des militaires en uniforme allemand se trouvent dans toutes nos familles puisque le service militaire était obligatoire. Malheureusement à chaque visage ne peut plus être accolé un nom.
Un rare bulletin de démobilisation qui vaut la peine d’être mentionné : celui de Joseph  Sutrell.
Ce célibataire de Saint-Gall,  né le  29.04.1892, fut estafette à partir du 03 août 1914 dans différents régiments d’infanterie avant d’être affecté à des services auxiliaires. Il termina la guerre dans les tranchées de Verdun du 04.09 au 11.11.1918. Son papier de démobilisation, établi par le 25ème bataillon de Pionniers du 2ème corps de Nassau, daté du 05.03.1920, précise qu’il est parti sans autorisation le 26.11.1918 et que sa conduite laissait à désirer (mangelhaft)…
Les "démobilisés " de l'Alsace-Lorraine revenue à la France, doivent remettre leur livret militaire allemand aux autorités qui lui substituent un livret français.

1. Joseph Hopfner père de Henri qui tenait le "bistro" de Schwebwiller 7. Antoine Kuhn second époux de la grand mère maternelle de la fratrie  Lucien, Florent et Jeanne Baechel, 8  ... Adam (dom. entre actuel 14 et 16, rue du Mosselbach),  9. Eugène Sutrell de Saint Gall, oncle de la fratrie Madeleine, Lisbeth et Charles Lerch, 10. Antoine Brill frère de Joseph (1.) 11. Joseph Kribs de Saint-Gall (actuel 20, rue du Hirschberg), 12. Aloyse Schmitt, 13. Séraphin Oberlé frère de la grand mère paternelle d'Ernest Oberlé, 14. ... ?


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